Académicienne

Depuis que je suis allée à l’Institut, la splendeur des lieux comme la concentration présumée de l’air en intelligence m’ont donné à rêver…

Pour l’Académie des Sciences, c’est déjà foutu : ce serait comme imaginer que je vais avoir une médaille olympique aux barres asymétriques. Je suis inapte comme on dit.
En revanche, il me reste l’Académie Française, celle des Arts et Lettres, pas la moins glorieuse!

Bien sûr, si on se réfère à mon débit verbal, qu’on en prend l’historique depuis mes 10 mois et qu’on l’anticipe, même en le ralentissant légèrement, on ne peut pas dire que je n’aurai rien fait pour la langue française.
Je l’illustre chaque jour, au grand dam des oreilles qui m’entendent à défaut de m’écouter!

Cela ne suffira pas. Les pipelettes sont nombre et le mérite est ailleurs.
Je m’attaquerai donc au sommet autrement.

En listant mes illustres prédécesseurs et leurs biographies respectives, je constate qu’il me faudra dans les 20 ans qui arrivent : approcher les élus, mais aussi leurs familles, amis et d’autres gens d’influence, me constituer ainsi un carnet d’adresses bien garni, les séduire par mon esprit comme ma modestie et mon élégance naturelle, voire plus si affinités, faire entendre ma voix éventuellement dans un parti politique ou une ONG : m’engager (ce qui présuppose me trouver des convictions et m’y tenir)… accessoirement produire des publications, en quantité, certaines controversées, d’autres consensuelles, une au grand maximum serait pardonnée qu’elle fût un succès de librairie (de mon vivant s’entend.), ne pas susciter les jalousies tout en faisant montre de talent de société, de quelque aptitude remarquable dans le domaine intellectuel ou artistique.

Profil bas, talons haut et clavier bien tempéré.

Considérant mon quotient cérébral élevé, malheureusement contrebalancé par un passé médiocre, on peut évaluer mes chances d’être un jour élue à environ 1/200000 (je me réfère aux professionnels mais je multiplierais bien ce chiffre par 10, ne serait-ce que parce que j’ai du temps devant moi et que le casting est moins prisé que celui de la Nouvelle Star), ce qui n’est déjà pas si mal… plus que de gagner à l’Euromillions ! Et quand on voit le nombre de joueurs…

Bref ça ne se tente pas forcément, mais ça se rêve, un soir de grand vent, sur le Pont des Arts.

Un jour, sur un malentendu, moi qui ambitionne de pouvoir monter dans un avion, pire que cela, sur un vélo (les deux étant à l’arrêt), qui imagine ma fin en tous sens et par toutes méthodes… pourrais-je devenir une immortelle ?

Je promets, si par magie cela arrive dans un avenir lointain, d’avoir la victoire plus modeste que le fantasme.

Oui, le temps chafouin se prête à la rêverie… et le but ultime de celle-ci est évidemment un énième moyen imaginé pour porter du Chanel, croqué par Karl Lagerfeld, brodé par Lesage, vous vous en doutiez !

Un habit brodé, c’est chic et intemporel.

Ajoutez lui la nonchalance d’Edmond Rostand

Puis sa verve :

Et que faudrait-il faire?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force?
Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud?
Avoir un ventre usé par la marche? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale?
Exécuter des tours de souplesse dorsale?. . .
Non, merci. D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et, donneur de sene par desir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe?
Non, merci! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames?
Non, merci! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant? Non, merci!
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles?
Non, merci! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres? Non,
Merci! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes?
Etre terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse ‘Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du “Mercure François”?’
Non, merci! Calculer, avoir peur, être blême,
Aimer mieux faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter?
Non, merci! non, merci! non, merci! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’oeil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plait, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre,–ou faire un vers!
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
A tel voyage, auquel on pense, dans la lune!
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortit,
Et modeste d’ailleurs, se dire mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles!
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,

Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !

Mon joli rêve part en fumée tandis que je me remémore ce dernier vers de la tirade, qui mérite à lui seul l’habit vert et l’épée.

Rostand a du génie (et Edmond était beau).

Je capitule.

Changer d’ambition, au pied levé, en fin d’article… c’est rude.

Pour devenir quoi alors ?

Une place à pourvoir bientôt ?

J’ai trouvé !

Femme de Premier Ministre. (C’est Lancelot qui devra prendre un patron ;))

Le logement de fonction me convient et m’est avis qu’il y a moyen de porter haut les marques de luxe, à défaut des couleurs, de la France, pour la plus grande Gloire de la République.

Matignon : mon nouveau rêve.

(Une bonne conclusion à mes fantasmes immobiliers)

Une fois là, il faudra trouver un moyen d’y rester, mais nous y penserons une autre fois.

Anne

Liens :
Le site officiel de l’Institut
La visite de Matignon

Une réflexion sur “Académicienne

  1. MrsB dit :

    Anne tu es réjouissante !
    Je te verrais bien conservatrice des tutus et autres costumes de scènes de l’Opéra Garnier, veillant sur eux avec un soin constant et leur racontant des histoires de jolies souris devenues petits rats.

    • Oh quelle bonne idée !
      ça me plairait bien d’habiter dans l’Opéra Garnier en plus… même (et surtout) au grenier, avec les vieux costumes et les souris…
      J’en ai des fourmillements dans les pieds.
      Tiens, ça me fait penser à un joli livre, un conte illustré à offrir aux enfants, avec la voix de Jean Rochefort : le Silence de l’Opéra, par Pierre Créac’h…
      Bonne journée campagnarde chère lectrice préférée (chut)
      Bisous
      Anne

  2. alexia dit :

    ah oui je crois que je préfère largement la version d’Edmond, de toutes façons on arrive à rien quand on recherche au mauvais endroit! quel joli poème, il faudrait le relire de temps en temps pour être sûr de ne pas oublier 🙂

    • Tout Cyrano est un plaisir pour l’esprit et pour la bouche aussi : les mots, dits haut et clair, émoustillent, des lèvres à la gorge !
      Merci Alexia.

  3. Tant de brocard et de finesse dans cette tenue d’apparat, sont donc en inadéquation avec le fameux adage « L’habit ne fait pas le moine » ! Et quant à tes ambitions immobilières que tu places haut, vouloir s’octroyer les appartements de la Pompadour offert par le Roi Louis XV pour bons et loyaux services, après tout pourquoi pas, elle a fait quoi de plus la Pompadour par rapport à toi, elle n’a pas nourri la blogo de fabuleux posts et apporter au peuple une part de rêve, alors oui tu y as droit à ta part du gâteau ma chère Anne. Ha oui si ton locataire de cette charmante maisonnette était vêtue de palmes ce serait le bonheur avec un homme qui en a dans la tête les soirées risqueraient d’être moins ennuyeuses que devant Secret Story 🙂

    • Merci, Madame, pour ces détails édifiants !
      Je me doutais bien que je devrais donner un peu de ma petite personne…
      Nos soirées seront donc passionnantes ou passionnées, au choix.

  4. Oooooh, Edmond Rostand !!!! La tirade du nez, relève également du génie !
    Merci de relever le niveau culturel ici bas, sur un blog.
    Ca change! 😉

    …et c’est….mon panache !

    • Tu en as, c’est certain, dans ta mise !
      Et tu l’emportes avec toi sur ton blog, merveilleuse Valentine…
      Un thème pour futur concours de looks intellectuels et plumés peut-être.

  5. VGD75 dit :

    Matignon, c’est pas mal mais il y a l’Elysée aussi, non? En plus, c’est vraiment bien placé, à deux pas de chez Hermés et Ladurée. Pratique pour aller faire ses courses!

    • Ah mais je suis tout à fait d’accord avec toi 🙂
      Quittes à visiter les différents Palais, nous les ferons dans l’ordre : Matignon, puis L’Elysée…
      J’envisage ensuite la Présidence du Sénat au Luxembourg : à moi tartelettes Dalloyau et shopping à Saint-Sulpice !
      Quand donc vont-ils transformer Versailles en maison de retraite, que nous nous inscrivions sur la liste d’attente ?

  6. Je peux te faire rencontrer Jean d’Ormesson pour commencer…! Je plaisante, mais en ce qui concerne la veste brodée, j’ai longtemps eu envie d’une queue de pie pour femme comme ça. Avec de belles broderies académiques. En attendant, je cherche une veste de matador: rouge, courte avec de magnifiques broderies en volume sur les épaules.
    Quant à moi j’y crois, Anne la première blogueuse-immortelle, tu annoblirait le genre!

    • J’y ai crû ! Je me suis dit c’est son grand oncle ou quelque chose comme ça et je m’y voyais déjà, plongeant dans ses yeux bleus et lorgnant son habit vert…
      Tout ce que tu décris me tente aussi !
      Je me mets donc en mode repérage pour Eudoxie.
      On doit pouvoir en trouver de vraies, vintage, sur ebay même va savoir… veste matador, recherche enregistrée.
      Bisous
      Anne
      PS : merci d’y croire pour moi… sur ce coup, ta confiance et ton inconscience m’honorent et m’emplissent de joie.

    • oups on est mardi de nouveau et je n’ai pas fait poésie… je vais rater mes buses si ça continue !

    • Et toi la plus flagorneuse et adorable des commentatrices ! Si tu pouvais écrire un article le jour où je serai élue… MERCI !

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