Déjeuner en paix

Dimanche dernier, j’ai invité à déjeuner les deux hommes de ma vie…

Là j’entends nombre d’autres hommes de ma vie, qui n’étaient pas en ma compagnie ce jour, s’insurger contre cette formule grammaticale laissant supposer qu’il n’y en a que deux… , mon amoureux de 4èA devenu cuistot dans un sous-marin (j’espère que ça n’est pas lié), Frédéric, Paolo, mon psy, mon coiffeur, mon meilleur ami, mon premier amant, l’un pouvant très bien être en même temps l’autre… ne me dites pas que vous ne connaissez pas des psys coiffeurs ou de meilleurs amis anciens amants.

Mais je m’éloigne un peu du sujet.

Ils me pardonneront en apprenant que mes deux convives étaient mon père et mon époux.

Je les ai emmenés là :

Gastronomes, ils se pourléchaient déjà les babines en lisant le petit écriteau

jusqu’à ce que je décrète : « Je vous préviens, je ne supporte ni la vue ni l’odeur d’ail des escargots, alors vous choisissez autre chose ! ».

Je suis une fille un peu sadique dans le fond, pleine de paradoxes et de surprises pas toujours agréables.

Mais le lieu l’était.

Fastueux même…

Un intérieur capitonné, cosy, vieillot, propre et chaud, comme on ne s’attend pas à en trouver depuis la rue.

Le serveur (encore un homme de ma vie finalement, très sympa !!!) nous a guidés à notre table qu’il a tirée vers l’extérieur pour me laisser passer.

Mais là j’ai dit : « non, c’est vous qui allez sur la banquette tous les deux. Moi je m’assieds en face ! ».

Je suis une fille qui ménage ses arrières et prévois ses sorties.
C’est vrai ça, vous imaginez faire un coup d’éclat et sortir comme une reine sauf que vous êtes coincée entre la table et la banquette, pas question. Non que je prémédite jamais de faire un esclandre ou de prendre la poudre d’escampette mais enfin savoir que c’est dans le champ des possibles me rassure toujours.

Je les avais donc à ma merci, et je contrôlais la situation.

Nous avions au préalable voté, à bulletins secrets, pour savoir si nous sortirions déjeuner ou si nous resterions à la maison: leurs deux voix contre la mienne, c’est la maison qui était choisie…
Sauf que la démocratie n’est de règle que quand ça m’arrange et j’ai donc fait fi de leur avis commun mais dénué de sens, pour user de mon autorité naturelle, douce, féminine et éclairée.

Quand ils ont vu arriver les assiettes, ils ont convenu que la tyrannie était finalement un meilleur mode de gouvernement pour peu que le tyran soit aussi charmant que ma petite personne.

Un bœuf bourguignon à droite :

Un cabillaud pour l’autre :

Ne suis-je pas la meilleure cuisinière du monde ?

Si vous croyez que je vais vous raconter de quoi nous avons parlé et les talents d’équilibriste de haut vol en diplomatie qu’il m’a fallu pour que tout se passe sans incident, vous rêvez…
Comme moi d’ailleurs : je regardais le plafond.

Et admirais le bel escalier en colimaçon (un comble ici et y menant aussi probablement) qui me rappelait celui des Salons de Monsieur Lutens, au Palais Royal.

NB : si quelqu’un a compris le sens de ma parenthèse précédente, qu’il se fasse connaître.

Ainsi donc j’ai décidé de faire l’impasse sur la discussion.

Sachez juste qu’elle fut de haut vol, passionnante, pleine d’esprit, de calembours et autres contrepets… un flot naturel de bon mots, dans lequel j’étais une précieuse (à leurs yeux du moins) tenant salon et n’enviant rien à Madeleine de Scudéry.

Evidemment que ce n’est pas vrai et que s’il est un sujet sur lequel père et époux sont toujours d’accord, c’est bien les défauts de leur fille/femme… mais je suis zen et bien au-dessus de ces considérations machistes.

Tellement au dessus qu’avant que ne sonne le glas de ma réputation, au moment donc de commander le dessert, j’ai affirmé avec aplomb qu’ils n’en voulaient pas, qu’il était grand temps de plier les gaules, et j’ai demandé l’addition.

Nous prendrions des gâteaux sur la route du retour et puisqu’ils avaient initialement souhaité que nous restâmes (???) dans mon petit salon, je les y conviais à prendre café et gourmandises sucrées.

En réalité, le voisin de table venait de recevoir ses escargots à l’ail… leur odeur me faisait plisser le nez, et de plus je mourrais de sortir à l’air libre fumer une cigarette.

La seule image du trio que vous aurez est un reflet lointain.

Et je m’en vais vous laisser, pour préparer le thé, non sans vous recommander cet endroit accueillant et chic.

Ah si tout de même, je soumets à votre sagacité une anecdote :

En prenant congé, mon père (que je ne vois que fort rarement, pas plus d’une fois l’an, quelques heures à peine, et qui donc n’est pas le témoin quotidien de notre vie conjugale et c’est très bien ainsi), me donne en général un conseil du style de celui-ci : « Anne, je suis bien content de t’avoir vue. Adieu ma fille chérie. Ne sois pas trop chiante avec Lancelot… »

Pourquoi donc, dans la méconnaissance la plus complète des faits, par défaut donc, suppose-t-il que je le suis (chiante) ?

Non, mais franchement, POURQUOI ???

Notez qu’il ne fait jamais aucune recommandation à Lancelot… et tirez-en les conclusions que vous voudrez.

Anne

PS : Pour une revue plus classique et gastronomique de ce restaurant, cliquez par exemple sur ce lien.

Une réflexion sur “Déjeuner en paix

  1. vannina dit :

    Ah l’Escargot Montorgueil !!On y avait fété un anniversaire de cheri il y a des années en y mangeant des escargots divins,tu as bien fait de t’echapper avant le dessert,je me souviens de trois petites fraises sous une enorme cloche pour un prix indecent.

    • Juste 3… c’est rude !
      Nous avons choisi des gâteaux chez Stöhrer (il faudra que je vous montre cette pâtisserie une de ces jours), délicieux.

  2. MrsB dit :

    Citation : Et admirais le bel escalier en colimaçon (un comble ici et y menant aussi probablement) qui me rappelait celui des Salons de Monsieur Lutens, au Palais Royal.

    NB : si quelqu’un a compris le sens de ma parenthèse précédente, qu’il se fasse connaître.

    Joli, ma jolie, l’esprit du colimaçon qui comble ou révulse les sens olfactifs et monte aux combles de l’extase ou de la répulsion.

    Mon père dit la même chose ou à peu près, il conseille à son gendre chéri de ne pas se laisser impressionner par mes caprices d’enfançonne. Il ajoute même que les femmes petites (je t’associe dans cette catégorie ma chère Anne) ne sont que des « Napo-en-talon. »

    Note à Benêt A propos de Lutens, les Bas de soie sont en vente en Province ou pas encore ?

    • Ah tu ne me déçois pas sur ce coup Mrs B. et même tu m’enchantes en voyant derrière mes phrases plus que ce que j’y imaginais seule. Quelle lectrice tu fais ! Tes commentaires sont du miel… bientôt un peu plus long ? 😉
      Tu fais bien de m’associer dans la catégorie des petites, j’adhère, non aux propos de ton père, mais à l’injustice flagrante de ceux-ci !
      Alors pour ce qui est de Serge Lutens, je suppose que oui Bas de Soie (que j’ai fait mien) doit être dans les différents points de vente aujourd’hui, d’autant que sort Boxeuses en ce moment… je le renifle avec plaisir et doutes mêlés. Il faut que je vous le présente très vite.

  3. Mr D dit :

    Je me fais connaitre. Du moins si le jeu de mots portait sur les combles qui sont apparentés aux greniers.

    • Un Mr D mystérieux pour donner la réplique à Mrs B, comme c’est réjouissant !
      Et bien sûr le zeugma n’échappe pas aux yeux de mes lecteurs merveilleux.
      Vous me mettez la pression 😉

    • Merci pour le sourire Clara Belle…
      mais du coup il faut que je vérifie qu’effectivement je n’ai pas laissé traîné quelque faute de frappe, ce qui ne serait pas surprenant 🙂
      J’en appelle au comité de relecture.

  4. emmanuellelila dit :

    le gastéropode qui s’enfuit au grenier … ça m’a rappelé le palazzo contarini del bovolo.

    quant à mon Lutens à moi, c’est féminité du bois depuis depuis

    bises, belle gourmande

    PS: au fait, cabillaud pour Papa, boeuf pour Chéri, et toi ?

    • Un palazzo… je vais chercher à quoi il ressemble.
      Féminité du bois : merveilleux. C’est pour lui qu’initialement ont été conçus les Salons du Palais Royal. Le plus chic des Lutens donc !
      Tu sens bon Emmanuellelila.
      PS : une demi-évian s’il vous plaît.

  5. Superbe endroit effectivement et heureusement que je lis ton article .. car il y a fort à parier qu’avec pareil nom et spécialité, je passe à côté sans le moindre petit regard !

    • Exactement ce que j’ai toujours fait… et si ce n’était pour leur faire plaisir, je ne saurais toujours pas ce qui se cache derrière la façade 😉

  6. Dori dit :

    Miaaaaam, je m’en pourlèche la bobine, chère A, et j’en reprends ; ) Le bon air est à son comble ! Quelle jolie plume, quelle drôle de fée, un petit-pot-d’encre lové sur sa main gantée.

    • Merci ma poétesse au sourire enjôleur et aux mots couverts de sucre candy. J’en reprendrais volontiers également !

  7. Décidément tu t’acharnes sur mes souvenirs. Il y a fort longtemps j’y suis allée, à l’époque où j’étais encore parisienne. Ce restaurant est magnifique, bon la déco a un peu changée, mais si l’assiette est identique tu as du faire un vrai festin. Bon a en juger par le texte et les photos, ben y a pas photo !!

    • Je suis contente que ça t’ait rappelé des souvenirs…
      C’était un hasard, mais si d’autres adresses te viennent en tête de lieux chers et fascinants, dis-moi !
      Je suis preneuse des commandes et j’arpenterai le quartier sur tes traces avec plaisir.

    • Merci Caro !
      Je suis ravie d’avoir une alliée à Genève et je me suis inscrite à ton RSS : si tu repères de jolies choses, j’enverrai Paolo en mission shopping sur place 😉
      Bisous
      A

  8. Mélisse dit :

    t’inquiète l’intégralité de ma famille considère que Mr Mel est un saint et moi une chieuse ….. (à mon avis c’est une convention sociale : on ne critique pas les pièces rapportées, histoire de ne pas pourrir l’ambiance alors qu’on sait qu’on peut être aussi déséagréable qu’on le veut avec sa fille/soeur/tante elle nous claquera jamais définitivement la porte au nez)

    (parce que, bien sur, il est rigoureusement impossible – c’est même scientifiquement prouvé – que je sois une chieuse)

    • Scientifiquement prouvé, pour moi aussi !!! Pas l’ombre d’un doute.
      Ce sont eux qui ont un problème, c’est clair.
      Sainte Mélisse… martyre non reconnue, c’est encore plus beau.

  9. Joli restau! J’adore le gros escargot sculpté doré. Je voudrais le même dans ma chambre. Et ce genre de lieux un peu suranné tout en bois sombre et en dorures, ça vieillit vraiment bien.

    • OUi c’était assez fascinant. surtout le éclairages en fait…
      Si un soir on est suffisamment bourrés mais pas trop pour porter une échelle, j’essaie de te récupérer l’escargot 😉

  10. Et si cet escalier arrivait curieusement dans un Lupanar magique d’où l’on redescendrait apaisé à dèfaut d’ètre « comblé » ?.Accolons notre oreille à la coquille vide d’un colimaçon et nous connaitrons (peut-ètre?) les mille et un secrets de l’ Escargot Montorgueil…

    • Quel talent !!!
      Incroyable mais il semble crédible et même probable que ce lieu ait été une maison de plaisir avant de devenir un restaurant… ça alors et tu l’as deviné rien qu’à l’escalier… T’es fortiche.
      Bisous
      Anne
      PS : Et avec toi, c’est la dame qui aurait été comblée, sans nulle doute.

  11. kiki dit :

    P.S Si vous cherchez le 4iéme mousquetaire ,je veux bien ètre celui là …d autant que je supporte mal le goùt de la persillaide!!!! bisous de nous 3.

    • Ahhh le 4è mousquetaire ! Il nous a manqué, et c’était toi, bien sûr. Qui d’autre ?
      Mais tu étais dans nos coeurs, dans la conversation, et dans les verres aussi 🙂
      La prochaine fois, tu viens et je vous invite tous les trois… peut-être au Pied de Cochon… pour changer un peu.
      Il y a une « Tentation de Saint-Antoine » qui pourrait vous séduire.
      Des bisous à vous 3
      Anne

  12. Anne,

    Je découvre votre blog suite à post de la fine Eudoxie…Quel plaisir, elle n’avait pas menti…Et cerise sur le gâteau vous êtes drôle!
    Je viendrais souvent vous visiter (je crois que cette dernière phrase est un peu ambigüe 0_O).

  13. Séverine dit :

    Je voudrais être un petit escargot pour voir les 4 mousquetaires comblés par les pieds du goret 😉

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