Je suis plutôt quelqu’un de positif. Ça se manifeste de différentes façons, mais en particulier sur C&G c’est la raison principale pour laquelle je n’écris en général que sur des sujets que j’aime. Je n’ai pas de difficulté à dire du mal de quelque chose ou quelqu’un, entendons-nous bien, mais je réserve en général ce type de propos à mes conversations privées; en public je préfère parler de ce que j’aime et simplement ignorer ce qui me dérange, ne serait-ce que pour ne pas en faire la publicité.
Bien sûr, un coup de gueule occasionnel peut filtrer, et ce soir c’est un de ces soirs…
Pour situer les choses, commençons par le principe. Je présume que vous avez entendu parler de Facebook. Si je vous demandais de définir ce qu’est Facebook, que vous y ayez un compte ou pas, que vous soyez utilisateur occasionnel ou que vous ayez perdu votre travail à force d’y passer vos journées, il y a de fortes chances que vous me répondiez qu’il s’agît d’un réseau social (Social network en anglais, d’où mon titre qui fleure bon l’Amérique), en gros un site web sur lequel on peut créer son profil, puis le relier à ceux de tous ses amis (la définition d’ami sur Facebook est un poil plus large que dans la vie réelle, sur Facebook un ami peut-être quelqu’un qui a cliqué sur le mauvais bouton quand vous lui avez envoyé une demande et qui ne sait pas comment vous virer de sa liste).
Et bien, vous avez tout faux!
Facebook est une histoire de sexe, d’argent, de génie et de trahison, dixit le titre du livre « The accidental billionaires » de Ben Mezrich, sorti l’année dernière.
Ça calme non?
Bon, que quelqu’un ait écrit un livre sur la genèse d’une entreprise qui n’a pas encore soufflé sa sixième bougie, passe encore, après tout, on trouve des livres sur tout de nos jours, avec environ 1,5 millions de livres publiés par an dans le monde, faut bien trouver des sujets.
Sauf que là, ça devient sérieux, Hollywood a décidé d’en faire un film, un vrai, un aux allures de blockbuster, qui sortira en octobre.
Oui, moi aussi j’ai crié « FAKE » quand j’ai lu l’info pour la première fois il y a quelques mois.
Sauf qu’apparemment, c’est vrai, d’ailleurs, pour le prouver, voici le premier teaser qui circule déjà depuis un moment:
Hummm, bon, ok, ça ne prouve rien, on a vu des fausses bandes annonces plus chiadées que ça.
Pour enfoncer le clou, le deuxième teaser, qui circule depuis deux jours:
Bon, d’accord, je vous le concède, ce n’est pas encore très concluant.
Le truc c’est qu’en fouillant un tout petit peu, j’ai fini par me convaincre que tout ça n’avait rien d’une blague, on connaît le réalisateur, David Fincher (Alien, Sev7en, Fight Club entre autres), le scénariste (Aaron Sorkin), les acteurs (la liste est trop longue), les producteurs (dont Kevin Spacey), et même l’auteur de la bande son (Trent Reznor, de Nine inch nails), bref, ça à l’air d’être un vrai film, il y a même une page sur IMDb
Ce qui me surprend, au delà du fait que si on commence à faire un film sur toutes les start-up du web on a pas fini (encore que si on ne prend que celles qui ont dépassé les 5 années d’existence, ça réduira drôlement le choix), c’est qu’on raconte l’histoire d’un mec qui pique les idées de ses potes, pousse jusqu’à utiliser les logs de son site (au tout début, à l’époque où il était encore étudiant à Harvard) pour trouver les mots de passe lui permettant d’accéder aux emails de ses membres et finit par en faire un succès planétaire.
Comme le souligne cet excellent article la personnalité de Zuckerberg vue sous cet angle laisse songeur, quand on pense à quel point la gestion des données privées de ses centaines de millions d’utilisateurs par Facebook est un sujet sensible.
Je suis donc étonné qu’on en fasse un film, une fiction, au lieu d’un documentaire. La démarche est étrange, le public, s’il décide d’aller voir le film, verra l’histoire, les personnages, avec leurs zones d’ombre, tout en se disant que c’est de la fiction. Jolie façon de blanchir quelqu’un qui est monté trop haut pour être inquiété pour ses erreurs de jeunesse, non?
Une fois le film sorti, qui pourra encore évoquer les débuts sulfureux de Facebook et Zuckerberg sans s’entendre rétorquer qu’il ne faut pas prendre les films pour de la réalité?
Bien sûr, pour couronner le tout, le fondateur de Facebook est officiellement contre l’idée de ce film.
Il y a un précédent, d’ailleurs, Pirates of the Silicon Valley, sorti en 1999, racontant les débuts de Steve Jobs et Bill Gates, d’Apple et Microsoft, et comment ils ont « révolutionné le monde en volant les inventions de Xerox ».
10 ans plus tard, on en est à comment Mark Zuckerberg a ruiné la productivité des entreprises et les études de millions d’adolescents en volant l’idée de quelques potes de fac.
Retroussez vos manches, si vous voulez devenir une star du business mondialement connue, si vous voulez qu’un jeune acteur d’Hollywood joue votre rôle à l’écran, faut vite trouver une idée à piquer à quelqu’un de proche, trahir la confiance de quelques amis, et je vous donne rendez-vous en 2020 pour la sortie du film qui transformera votre côté sombre en aventure épique…
Paolo
« Facebook est une histoire de sexe, d’argent, de génie et de trahison », dixit le titre du livre « The accidental billionaires » de Ben Mezrich, sorti l’année dernière.
Ça calme non? »
Non moi ça ne me calme pas, ça m’excite !
Et qu’on en fasse un film plutôt qu’un documentaire, avec des héros qui seront plus beaux, plus manichéens que la réalité, un point de vue dont la subjectivité sera officielle (parce que les documentaires… hum hum sous couvert d’impartialité, nombres d’entre eux sont vraiment orientés et les spectateurs se disent que c’est la réalité puisque c’est du documentaire).
Oui je préfère donc un film, une série ce serait encore mieux…
C’est à dire que depuis 20 ans que dure « Amour, Gloire et Beauté » (si, si, c’est impressionnant, tout le monde est lifté, s’est marié avec tous les frères et soeurs etc, c’est pire que la Mythologie d’Edith Hamilton d’essayer de faire l’arbre généalogique… mais je m’éloigne de mon propos, ça mériterait un post). Bref, du sang neuf, des intrigues, des traîtres, et EN PLUS faire partie de l’histoire car on a un compte FB, c’est juste génial, ça fait frissonner d’effroi et d’excitation à la fois, c’est la Télé ou le cinéma 2.0 …
Je dis des bêtises là ?
Probablement !
Merci pour cet article Paolo !
Par avance, si on se prend la tête dessus, sache que dans le fond, comme toujours, je suis de ton avis (c’est quoi exactement ton avis ?)
Bisous
Anne
Rooohhhh, quel grand naïf tu fais mon chéri! Tu sais bien que le « biopic basé sur des faits réels inspirés de la vie de machinchose » est un exercice de choix pour les rois du cinématographe.
Et puis ça a le gros avantage qu’on peut reproduire toutes les banalités parues dans la presse depuis 10 ans et glisser ça et là « une interprétation personnelle des scénaristes » de certains « faits rapportés » qui, une fois perdus dans la masse, passent pour vérités absolues.
N’oublie pas que des réalisateurs pourtant réputés intègres comme Oliver STONE (avec par exemple son « W ») sont passés maîtres dans cet exercice de style.
Après, y’avait eu un assez bon article de fond d’une dizaine de pages dans ROLLING STONE MAGAZINE y’a un peu moins de 2 ans sur le sujet. A partir de là, faire un livre de 200 pages ou un film de 100 minutes à partir d’un synopsis qui tient en un article est, je le crains, également devenu monnaie courante.
Bref, du classique de la littérature au grand cinéma d’auteur il n’y a qu’un pas. Faut juste faire attention à la marche.
PS: perso, j’arrive vachement bien à dire du mal des gens en public ;p