Vitrine : Lesage brode chez Didier Ludot

Palais Royal, hommage aux broderies éternelles du regretté François Lesage

Sous les arcades qui bordent le jardin du Palais Royal, je vous ai emmenés 100 fois déjà… les boutiques y sont jolies, les parfums délicieux et les visiteurs charmants.

Il y a cependant une institution devant laquelle je passe et repasse, en tapinois, intimidée. Deux fois je vous en ai montré les vitrines, pour y choisir une robe de bal l’été dernier, ou minauder devant une minaudière.

Cependant, je l’avoue, j’ai du mal à considérer ce repaire de la Haute-Couture vintage comme une boutique. C’est plutôt un musée, une galerie, et si je prends régulièrement des photos de la vitrine, je le fais en catimini, frissonnante effarouchée par Monsieur Ludot, maître des lieux.

La semaine dernière, mon courage et mon appareil à deux mains, j’immortalisais la vitrine consacrée à François Lesage, le fabuleux et regretté brodeur de toutes les Maisons de Couture, dont Didier Ludot collectionne les pièces et les exposait, en hommage, en au revoir.


On l’aperçoit sur cette deuxième, mais j’ai attendu qu’il soit de dos pour dégainer, petite joueuse.

Puis sur plusieurs jours, j’ai vainement essayé de venir à bout des reflets changeants, pour vous livrer quelques souvenirs flous du brodeur officiel des Immortels.

Le tableau d’ensemble était ravissant… et en s’approchant, on découvrait plus que cela, une précision d’orfèvre, de la belle ouvrage, à couper le souffle.

Bien sûr, je n’ai pas osé entrer, mais j’ai tenté de traverser, par la force de ma pensée et de mon appareil photo, la glace qui me séparait des divines étoffes.

J’ai voulu cueillir, précautionneusement, les pivoines épanies.

La profondeur d’un décolleté noir m’a terrassée, derrière la sagesse de fleurettes rose pâle sur fond brun…

Dans l’autre vitrine, des robes plus pures, blanc de lys ou jaune mimosa nous attendaient.

Camouflée, ma préférée, une longue qui mêle si incroyablement baba cool et luxe ultime, flower power coloré et fond immaculé.

Chacune et toutes étaient impressionnantes, avaient tes 20 ans, mes 40, si fragiles et pourtant résistant à l’épreuve du temps avec panache, jusque dans le moindre détail de leurs parures précieuses.

Des plumes également, ici ou là…

François Lesage savait tout faire et se pliait aux excentricités de Christian, Dior, Lacroix, de Karl ou d’Yves, avec le génie d’un artisan aux doigts d’or comme ces robes qu’il en décorait.


Comment faire, armée d’un mini zoom, pour passer de l’autre côté du miroir, égrener les perles minuscules, s’accrocher au fil à broder comme à celui d’une étoile ?


L’envie me prenait, pressante, de sentir sous mes doigts le relief d’un motif, si riche qu’il éblouit, délicat pourtant, savantes arabesques sur soieries d’Orient.

Noeud plus lourd, épais, précieux, qui habille un déshabillé, camoufle en y attirant les regards, le bas des reins de celle qui l’osera porter…

A force de regarder, je me suis abîmé les yeux… à vouloir deviner au fond de la réserve quels trésors se dérobaient à ma vue, je l’ai perdue.

Voilà ce qu’on risque si l’on se prend au jeu, l’hypnose et la cécité.

Quel dommage, avouez !

D’autant que s’il nous a quittés cet hiver, le fabuleux Monsieur Lesage laisse son empreinte, un savoir-faire à apprendre, une école… de patience, de minutie, de broderie.

Ce que j’aimerais avoir les doigts habiles, la patte de mouche, la main de velours, pour aller étudier dans pareil établissement…

Je me contente d’admirer, de déguster, ce que Didier Ludot collectionne et nous sert Galerie Montpensier :

Du Christian Lacroix cuvée 1994

Pierre Balmain millésime 53

Yves Saint-Laurent crû 74

Pfff… Dieu que tout ceci est joli !

Je vous parie mon chapeau que les branches nues des arbres de l’allée, en un seul reflet, en ont fomenté un bourgeonnement encore imperceptible mais qui parcourt le jardin d’un murmure, et fleurira en écho, bientôt.

Anne

Liens et informations :

François Lesage sur Wikipédia
Ecole de Broderie des Ateliers Lesage

Didier Ludot, site officiel

Boutique Didier Ludot
Vintage Couture
24 Galerie Montpensier – Jardin du Palais Royal
75001 Paris

Une réflexion sur “Vitrine : Lesage brode chez Didier Ludot

  1. MrsB dit :

    Merci de cette exposition privée. 🙂
    Le crû YSL 1974 est sacrément culotté du jupon dans le choix de ce vert cru.

    J’espère qu’un jour on les trouvera dans un musée ces robes…elles appartiennent à toutes les femmes et à l’ Histoire de la mode.

    • Dans un musée… un musée d’un genre nouveau où on pourrait se projeter dans les robes en 3D grâce à la technologie, sorte de cabine d’essayage virtuel… pour ne pas abîmer les robes mais mieux les rêver encore.

  2. June dit :

    Tes photos sont magnifiques, les couleurs lumineuses. Un travail renversant.
    Pour ma part, j’ai eu l’honneur de soigner les mains de Jean- François Lesage, le fils, lorsque les ateliers se trouvaient 207 rue St Honoré qui ont déménagé depuis rue des St Pères.
    Je reçois mes clientes dans ses anciens ateliers, depuis que Donato coiffeur et Allison Cross ancien mannequin et masseuse ont pris possession des lieux.

  3. Chris dit :

    Oh la vitrine de Didier Ludot me fait systématiquement de l’oeil quand je suis dans le quartier 😉 Je n’ai jamais osé en franchir le seuil pour admirer les trésors qui s’y nichent.
    Quant aux broderies Lesage, je me souviens avoir vu quelques reportages télévisés et les brodeuses ont toute mon admiration pour ce travail si minutieux.

    • Oui c’est du travail de haute voltige des doigts ! On parle de l’industrie textile qui disparaît de France mais on oublie souvent ces quelques ateliers d’excellence qui font notre gloire.

  4. Bon ben du coup comme j’avais apprécié ma venue sur ce blog la dernière fois, je suis revenue… et j’ai bien fait !
    J’aime vraiment ce que tu propose dans ce blog et quand je lis cet article, tu m’offre tout simplement du rêve, l’envie irrésistible de me voir l’espace d’une seconde dans ces chefs-d’oeuvre…
    Au moins je sais à quoi je penserais ce soir en m’endormant !
    Bravo bravo pour tout ce que offre dans ce blog qui est un peu plus que ça à mon goût ! Tellement différent de ce qu’on croise chaque jours ! C’est extra 🙂

  5. Sunny Side dit :

    Me revoilà ! Quelles merveilleuses photos pour rendre hommage à ce très grand Monsieur. heureusement son petit fils est en Inde et perpétue tout ce travail immense et rare. Ah oui je voulais te dire de surveiller les portes ouvertes de l’école Duperré auxquelles je suis allée il y a deux ou trois semaines. il y a un reportage à faire sur ces talents incroyables de brodeurs, maille, luminaires etc qui vont bientôt nous éblouir. Je m’ébahissais justement sur des travaux hallucinants de broderie d’une troisième année et ils m’ont dit que la jeune femme était désormais en stage chez Mc Queen à Londres.

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